( SDA : Société des Agrégés de L'Université)
Les professeurs soussignés,
après avoir pris connaissance de l'article 4 de l'arrêté du 18 mars 1999, instituant des "travaux personnels encadrés" en première et en terminale des lycées d'enseignement général, et de la déclaration à la presse faite par le Ministre de l'éducation nationale le 27 avril 2000, exposent ici les raisons pour lesquelles ils ne peuvent accepter la mise en place des "travaux personnels encadrés" :
- Ces travaux sont conçus pour susciter de la part des élèves une recherche approfondie (ou supposée approfondie) qui ne correspond pas à la fonction de l'enseignement secondaire, la mission du lycée étant non pas de favoriser des recherches ponctuelles sur des questions très "pointues", mais d'organiser l'acquisition de savoirs et de savoir-faire fondamentaux. L'institution des TPE est ainsi contraire à la loi Jospin de 1989 et à son rapport annexé (qui assignent des fonctions distinctes aux cycles de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur), et à la loi Savary de 1984, qui ne prévoit, au premier cycle du Supérieur, qu'une "sensibilisation" à la recherche, réservant au second cycle une "initiation" à la recherche.
- Bien qu'il ait été précisé par la circulaire que ces TPE, dont l'arrêté dit seulement qu'ils "s'appuient sur les disciplines dominantes", porteraient sur des notions "issues" des programmes, il apparaît que ces TPE, étant inscrits dans l'horaire scolaire au détriment des horaires d'enseignement (constamment réduits), se mettront en place au détriment de l'acquisition systématique des connaissances fondamentales liées aux programmes (constamment "allégés").
- Alors que la classe est un milieu de vie et de travail pour les élèves, dans lequel chacun reçoit les mêmes enseignements et les mêmes conseils tout en pouvant bénéficier d'une interaction personnalisée avec les autres élèves et le professeur, puisqu'à tout moment l'aide apportée à un élève profite à tous les présents, le temps cumulé de l'aide que le professeur pourra, en un an, donner à chaque élève à l'occasion des TPE sera dérisoire.
- Alors que les horaires publiés pour chaque classe ont pour raison d'être de garantir à l'adolescent l'utilisation optimale du temps passé dans l'établissement scolaire, les TPE vont dangereusement désorganiser la vie scolaire des lycéens, provoquer une forte dispersion de leur activité, les laisser s'absorber dans des investigations très prenantes qui les conduiront à négliger les autres disciplines : c'est en fin d'année, au moment où les lycéens devraient par exemple se préparer calmement à l'épreuve anticipée de français, qu'ils risqueront d'avoir à terminer la rédaction de leurs TPE, et, de toute façon, à en préparer la "soutenance" (sic).
- La valeur formatrice de travaux dont nul ne pourra s'assurer qu'ils sont vraiment "personnels" et ne consistent pas dans un rapetassage laborieux de bouts et de morceaux découpés dans la toile médiatique est plus que douteuse, d'autant que ces travaux diminuent le temps consacré aux exercices scolaires conçus pour stimuler la réflexion, entraîner aux modes de raisonnement etc.
- La prise en compte de l'évaluation des TPE pour l'attribution du baccalauréat créera entre les candidats une inégalité de traitement intolérable :
- entre les candidats lycéens, car les TPE vont accentuer les différences sociales entre les élèves dont il est certain qu'ils ne pourront trouver dans aucun établissement, fût-il le mieux équipé, les moyens de documentation nécessaires : ainsi les élèves possédant une bibliothèque ou une liaison efficace avec le réseau Internet, élèves en outre souvent aidés par leurs parents, seront avantagés. Des élèves médiocres pourront obtenir de bien meilleures notes que des élèves sérieux et travailleurs d'autant plus que la garantie d'un travail réellement personnel ne pourra être fournie (ce qui rend en tout état de cause inacceptable la prise en compte des TPE pour l'attribution du baccalauréat).
- entre les candidats lycéens et les candidats qui ne sont plus scolarisés : la prise en compte de l'évaluation des TPE pour l'attribution du baccalauréat aurait pour conséquence inacceptable de réserver ce diplôme aux lycéens, alors qu'il conviendrait au contraire de ne pas multiplier les difficultés de préparation pour les candidats non scolarisés.
- Il est inadmissible qu'une fois de plus une réforme, présentée d'abord comme expérimentale soit imposée sans qu'un bilan complet et sincère des expérimentations ait été rendu public et soumis à une discussion approfondie : il faut au contraire, comme le veut le Ministre, confier à une instance indépendante l'évaluation précise et objective des diverses réformes, pratiquées ou supposées "expérimentales". Sans cette évaluation, aucune réforme ne peut être entreprise utilement.