Que les élèves doivent apprendre un corpus de connaissances, de l'ordre propre à la structure de chaque discipline, défini dans un document appelé programme.
Que ce savoir est transmis par des enseignants dont la fonction essentielle est d'avoir une formation de haut niveau dans la (ou les matières) qu'ils sont censés enseigner.
Cette conception est attaquée et remplacée par une autre où :
L'important n'est plus le contenu des programmes mais le pédocentrisme où " l'élève au centre" est considéré comme consommateur de connaissances (1).
La logique des programmes n'est plus celle de la matière enseignée mais celle déterminée par le "projet de l'élève". Et comme le souci de l'enseignant ne doit plus être le contenu de la progression - qu'il ne connaît souvent même plus ou de manière extrêmement superficielle -, il se centre de lui-même sur une supposée psychologie de "l'apprenant", donnant ainsi une fois de plus prise aux destructeurs du contenu.
L'élève - devenu le " s'apprenant "- n'est plus là pour apprendre, mais pour "construire son propre savoir" en suivant non pas le programme mais ses propres besoins dans une perspective articulée autour de la "pédagogie de projet" ... On arrive ainsi , sous les effets combinés de la pédagogie de projet et des dérives du cognitivisme, au résultat suivant : on apprend dans certaines classes du primaire la multiplication avant l'addition, ce qui rend impossible l'apprentissage de l'une et de l'autre, car la multiplication est une addition qui se répète.
Une des notions centrales, nouveauté devant être acceptée en tant que telle puisqu'elle est nouvelle est la pédagogie de projet qui se présente sous diverses formes : actuellement TPE (travaux personnels encadrés) pour le lycée, Parcours Diversifiés ou Travaux Croisés pour les collèges et matrice de l'emploi du temps en primaire depuis le triomphe du tiers temps pédagogique.
Il est urgent de retrouver l'origine historique de ces nouvelles pédagogies qui naissent aux Etats-Unis. Leur mise en oeuvre a produit des dégâts considérables ; le niveau scolaire aux Etats-Unis est des plus lamentable du monde. Certains chercheurs américains défendent le modèle français sans s'apercevoir qu'il est en train de rejoindre à grandes enjambées ce que le modèle américain a de pire. Il serait peut-être temps de s'appuyer sur ce que les premières victimes du modèle américain, c'est-à-dire les Américains eux-mêmes, ont produit de meilleur dans le domaine de la critique de l'enseignement.
Si l'on pense que l'on ne peut pas apprendre la multiplication avant l'addition,
la grammaire latine avant la grammaire française, la littérature
et l'histoire sans savoir lire et sans avoir une idée arithmétique
de la chronologie et des nombres négatifs, l'utilisation d'une calculette
sans savoir calculer, c'est-à-dire si l'on pense qu'il y a un ordre
logique dans l'apprentissage des notions et que cet ordre logique dépend
de l'interdépendance des matières fondamentales, alors il
faut focaliser son attention sur les contenus de l'enseignement primaire.
Il faut le faire en ayant en tête qu'une contre-réforme (2) de l'enseignement,
si elle était appliquée à la rentrée 2001 en
CP ne produirait ses effets dans le supérieur qu'en 2017 .
Les plus grands bouleversements dans le cursus et dans les méthodes
pédagogiques datent des années soixante-soixante-dix avec
la victoire de la pensée structurale et constructiviste, des mathématiques
modernes, de la méthode globale, celle de la promotion du "texte
en soi" et du tiers temps pédagogique.
Leurs effets complets sur
l'ensemble de l'enseignement n'apparaissent qu'après-coup, soit trente
ou quarante années plus tard : en effet, lors de la mise en place
de ces nouveautés, la majorité du corps enseignant enseignait
certes les nouvelles progressions mais dans l'esprit et en pratique les
contenus et les méthodes anciennes. Il faut donc attendre que les
élèves de cette période, c'est-à-dire ceux qui
avaient cinq ans en 1970, deviennent à leur tour enseignants pour
que le corps enseignant perde ce souvenir, c'est-à-dire environ quinze
ans plus tard, soit en 1985-1990.
Et il faut attendre encore une bonne dizaine
d'années, pour que les élèves ayant eu cinq ans pendant
cette dernière période abordent enfin le lycée avec
les compétences qu'on leur connaît et dont ils ne sont pas
responsables. Car des pans entiers de connaissances fondamentales - c'est-à-dire
sans lesquelles les connaissances ultérieures ne sont que des simulations
de connaissances -ont ainsi disparu.
Qui saurait comprendre le sens et répondre à cette question
figurant dans un manuel de CM 2 en 1940 : "Je cherche le prix de 5 m de
drap à 8 FF le mètre. Quel nombre dois-je choisir comme multiplicande
? Comme multiplicateur ? Pourquoi ? ".
Qui plus est, la réponse devait être rédigée
dans un français compréhensible.
Je n'aborde pas la question des effets dévastateurs du constructivisme sur la mentalité même des élèves qui pensent qu'il suffit de se regarder le nombril avec un sentiment de profondeur pour comprendre le monde. Ils ont tiré de la "participation" la seule leçon qu'ils pouvaient en tirer : " Si je raconte ou écris n'importe quoi, j'ai la preuve que j'ai participé et j'ai donc droit à une bonne note ". En général, on la lui accorde volontiers et on valorise ainsi le psittacisme comme forme dominante d'expression. Il est vrai aussi que cette formation, assortie cependant d'un "coup de piston", peut permettre de faire carrière là où le vide du discours ne contredit pas la pédagogie du vide.
Il est également évident que les progressions et les méthodes
"d'avant 1960" et surtout la manière dont elles ont été
appliquées à partir des années cinquante ne sont pas
à considérer comme un idéal intangible en particulier
pour la fin du secondaire : la preuve en est que les " traditionalistes
" n'ont pas su se défendre contre les modernistes et que l'on a très
peu de références de cette époque mais, par contre,
ces références sont fondamentales (3) .
Mais de là
à en déduire qu'il fallait casser tout le savoir issu de l'expérience
accumulée par des générations d'enseignants, il y a
un pas à ne pas franchir. Ces anciennes méthodes ont su apprendre
à lire, écrire, compter à des générations
entières sur de vastes continents.
La volonté d'attaquer "
l'école de Jules Ferry ", d'ailleurs seulement sur ses aspects positifs,
n'a abouti qu'a ce que des notions fondamentales enseignées jadis
en classe de CM2 et de Fin d'Etudes Primaires ne le sont, maintenant qu'en
première S. Je pense ici en particulier à la notion de nombre
premier, mais ceci est peut-être une révélation pour la plupart
des lecteurs (4).
Les Etats Unis comptaient déjà en 1985 (Source : Literacy Profiles of American Young adults - Kirsch et Jungenblut NY), résultats confirmés dans les enquêtes suivantes :
20% de victimes de l'illettrisme parmi les titulaires de diplômes d'études supérieures (y compris universitaires).
50% de victimes de l'illettrisme parmi les diplômés de l'enseignement secondaire (y compris études supérieures partielles).
Il est donc assez naturel de chercher, chez ceux qui luttent contre cet état
de fait car ils en ont été les premières victimes, les
explications qu'ils donnent à ce phénomène.
Les sources
récentes les plus importantes pour comprendre cette question sont essentiellement
:
Le livre de E.D. Hirsch : The schools we need and why we don't have them, Double Day Edition, 1996. E.D. Hirsch est un des maîtres à penser (5) du mouvement "Mathematically Correct : 2+2 = 4" (6) , mouvement qui ne réduit pas ses préoccupations aux mathématiques et qui a récemment eu une audience nationale aux USA puisque la lettre de protestation qu'il a rédigée pour le secrétariat d'Etat Américain à l'Education a été approuvée par plusieurs Prix Nobel, plusieurs médailles Fields et par le staff de plusieurs grandes universités américaines.
Les textes de W.G. QUIRK accessibles sur son site. (7)
Le " projet " n'est pas réellement une nouveauté dans
l'éducation et la formation puisqu'il apparaît avec les projets
d'architecture dès le XVIeme siècle à l'Académie
San Luca de Rome sous le pontificat de Grégoire XIII, se développe
à l'Académie Royale d'Architecture Française dont le "Prix
de Rome" est un exemple et s'étend peu à peu dans les formations
d'ingénieurs tout au cours du XVIII siècle...
Il consacre la victoire de la liaison entre la théorie et la pratique, qui est une
des facettes de la liaison naissante entre la science et l'industrie, contre
la vision scolastique dénoncée notamment par Comenius, celle d'un
savoir exclusivement livresque.
En ce sens , même si le mot n'est pas
employé, le chef d'œuvre des corporations est bel et bien un projet.
Au XIXème et jusqu'au début du XXème, le mouvement ouvrier
combat, au nom de la formation d'un homme complet et de la formation polytechnique,
pour la participation au travail productif et industriel simultanément
à la fréquentation de l'école. Mais les victoires du mouvement
ouvrier sur la limitation du travail des enfants font que cette possibilité
même disparaît et condamne l'école à être coupée
de toute activité réellement productive si ce n'est sous forme
de simulacre (8).
La réelle nouveauté intervient à la fin de la Première Guerre mondiale lorsque la pédagogie de projet va se présenter avec plusieurs caractéristiques toutes différentes :
L'issue du projet n'est plus la production matérielle et donc la réalisation d'un savoir-faire mais peut avoir n'importe quel objet notamment psychologique qui traduit "l'envie de l'enfant" et atteint, nouveauté, les apprentissages fondamentaux de la lecture, de l'écriture et de l'arithmétique.
La conception de l'enseignement qui l'accompagne met en avant non pas le contenu de l'enseignement mais le processus même de l'enseignement -learning process- ce qui en fait l'ancêtre de " l'apprendre à apprendre " aujourd'hui au coeur de la pensée de l'OCDE.
Au moment où la méthode même diminue l'importance du contenu, ce contenu est présenté lui-même comme une accentuation des capacités critiques de l'élève ("critical thinking skills"). (9)
La pensée pédagogique américaine de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle est dominée par deux personnages :
G.S. Hall, créateur de la psychologie scientifique, il fera un usage immodéré de l'attirail statistique car il vit dans une société incapable de se penser historiquement et politiquement. Il conceptualisera notamment la notion moderne d'adolescence. (10)
John Dewey, un des grands défenseurs de la pédagogie de projet dont la thèse essentielle est : " l'éducation se traduit par la croissance ". (11)
En 1918 (12) , paraît Project Method de W.H. Kilkpatrick (13) qui "
psychologise " entièrement la pédagogie de projet et amène
directement ce que Hirsch et W.G. Quirk appellent l' " Anti content Mindset
".(14)
L'influence de Kilkpatrik va être considérable (15)
et le Teachers' College imprimera 60 000 exemplaires de sa brochure jusqu'au
début des années trente (16).
Cette influence déterminante
s'explique aussi par la création des IUFM locaux , les Education Schools
qui se créent ainsi, gagnant leur autonomie par rapport aux universités,
en prétendant que l'objet central de l'enseignement n'est pas le contenu
de la matière enseignée mais la méthode. (17)
Si les " progressistes " français oublient en général
les origines américaines peu reluisantes de la pédagogie de projet
, il est un aspect dont ils ne soufflent mot, l'admiration qu'a éprouvée
le fascisme italien en la personne de Gentile, ministre de l'Education de Mussolini
pour les thèses du Teachers' College et de Kilkpatrick.
E.D. Hirsch,
qui dédie son livre à " deux prophètes ", William
Bagley (18) et Antonio Gramsci , note (19) : " En 1932, l'intellectuel
communiste Antonio Gransci, écrivant de prison (incarcéré
par Mussolini), fut l'un des premiers à détecter les conséquences
paradoxales de la nouvelle éducation "démocratique"
qui mettait l'accent sur "l'ouverture sur la vie" et d'autres approches
naturalistes par rapport au travail de fond et à la transmission des
connaissances.
Le ministre de l'éducation du Duce, Giovani Gentile, était,
au contraire de Gramsci, un adepte enthousiaste des idées nouvelles en
provenance du Teachers' Collège, Université de Colombia (Etats-Unis).
Les observations de Gramsci étaient si prémonitoires que j'ai
reproduit l'une d'elle comme épigraphe de mon livre: " La nouvelle
conception de l'école est dans sa phase romantique qui a exagéré
de façon malsaine le remplacement des méthodes "mécaniques"
par des méthodes "naturelles"..; Auparavant les élèves
acquéraient au minimum un certain bagage de faits concrets. Maintenant
, ils n'ont même plus ces connaissances de base à mettre en ordre….
Le plus paradoxale est que ce nouveau type d'enseignement se prétend
démocratique alors qu'en fait, son avenir est non seulement de perpétuer
les différences sociales mais de les transformer en casse-tête
chinois" ".
L'admiration du fascisme italien pour la pédagogie de Kilkpatrick n'est
pas étonnante car la pédagogie du vide qui réduit l'apprentissage
à son process est bien du domaine de la manipulation car le contenu est
bien la seule protection relative contre celle-ci.
D'autre part, il y a une
convergence étroite entre cette process pholisophy et le fascisme italien
qui s'est toujours présenté comme étant l'émanation
du mouvement permanent revendiquant de ne pas avoir de… programme.
Au moment où nous n'avons plus de choix, car les Sciences de l'Education, mélange homogénéisé de Coca-Cola et d'huile de ricin sont véritablement devenues dominantes, on peut se poser la question de l'action.
Si ces deux liquides partagent le refus des contenus de base de l'enseignement,
il faut définir le contenu qui devrait être à la base de l'enseignement.
E.D. Hirsch l'a fait par exemple avec le "Core Knowledge", mais on voit, en
suivant les évolutions de 2+2=4 par exemple, que l'Amérique a
des difficultés pour se réclamer d'un contenu domestique car la
destruction y est ancienne et massive. Aussi s'appuie-t-elle de plus en plus
sur les contenus traditionnels qui persistent dans les vielles nations qui ont
su résister au modèle américain. Ainsi 2+2=4 a publié
des articles prenant en exemple les mathématiques russes et un des livres
les plus chaudement recommandés par cet organisme est le livre de Liping
Ma intitulé Knowing and Teaching Elementary Mathematics, étude
des capacités et des méthodes des instituteurs chinois.
La France a une école qui a été une des meilleures du monde ; il est de son devoir de participer à cet effort des Américains qui combattent dans la tête du monstre, comme disait le Black Panther Party, contre la dégénérescence de l'Instruction en Education, tout d'abord en relayant le contenu de leurs positions.
Mais, en ce cas, il ne suffira pas de se réclamer bruyamment de " l'Ecole laïque de Jules Ferry ", il faut en garder l'héritage et les points forts. Contre la tradition de l'" American exception " (20) , E.D. Hirsch, par exemple, se réclame textuellement de l'existence de programmes nationaux en France. Contre le localisme, il faut être capable, pour nous-mêmes et pour le reste du monde, d'extraire de l'école de Jules Ferry ce qu'elle avait de meilleur.
Notes :
(1) Le créateur du pédocentrisme est G.S. Hall. On peut trouver un extrait de sa pensée en français dans la note 11 de " Survol : sciences de l'Education " qui se trouve à http://www.le-sages.org/mathsde.html. Cette tendance n'est donc pas une nouveauté puisque le slogan des débuts du siècle est : " Teach the child, not the subject ". En 1928 paraît également le livre de Harold Rugg The child-centered School . Il met en avant, contre le contenu de l'enseignement et une conception " instructrice " de l'école, " the concept of Self " car c'est l'élève dans sa totalité qui doit être éduqué (" The whole child is to be educated "). Ce qui n'est loin qu'en apparence de la transformation, en France, de l'Instruction Publique en Education Nationale dans les années trente. L'ambiance mondiale est alors à " l'éducation " mais le fait absolument remarquable est que cette transformation de l'instruction en éducation - que ne renierait certes pas un Meirieu - s'est faite sans vagues. Ce qui signifie que la vieille revendication du mouvement ouvrier de refus de " l'Education par l'Etat " dont le symbole-repoussoir était le " bahut prussien " était bien morte. Il faut dire que les Compagnons de l'Université étaient prêts à faire coexister leur chauvinisme anti-boche et leur d'admiration pour l'esprit prussien et l'efficacité allemande. Il n'est pas étonnant que nombre d'entre eux aient fini chez Pétain, qui n'avait d'ailleurs aucune raison de refuser une " Education nationale " du Peuple par l'Etat et qui ne l'a d'ailleurs pas fait.
(2) Le titre du dernier texte du mathématicien G. Andrews (non publié), explicite en soi, est : " Mathematics Education : Reform or Renewal ".
(3) Parmi ces textes, les références de fond sont :
- François Lurçat :
L'autorité de la Science, Edition du Cerf, 1995
La science suicidaire, Edition F.X., de Guibert 1999
- Liliane Lurçat :
La destruction de l'enseignement élémentaire et ses penseurs,
F.X. de Guibert, 1998
Vers une école totalitaire, F.X. de Guibert, 1999
Pour F. Lurçat et L. Lurçat, également l'ensemble de leurs publications depuis les années 60
- Jacques Barzuns ( Français émigré aux USA)
Begin here : The Forgotten Conditions of Teaching and Learning, The University of Chicago Press, 1991.
Sa somme : From Dawn to decadence 1500 to the Present : 500 Years of Western Cultural Life, HarperCollinsPublisher, 2000
- L'appel des mathématiciens américains de 62 contre les maths
modernes
http://www.le-sages.org/mathcurric.html.
- Mathematically Correct : 2+2=4 fondé en 1992 mais se réclame de l'appel des mathématiciens de 1962 . Site : http://www.mathematicallycorrect.com
Ce sont de puissantes critiques qui à la fois ont saisi les lignes de force du réformisme permanent au moment de sa naissance et ne font pas les fausses critiques des réformes qui leur permettent d'accentuer la bureaucratisation du système : il est assez curieux de remarquer que la Fonction Publique est d'autant plus bureaucratique que l'on lui applique les solutions tirées du business censées la " débureaucatiser ".
(4) http://www.le-sages.org/prog-prim1882-1923.html.
(5) Un des leaders de Mathematically Correct, le Mathématicien Richard Askey lui consacre d'ailleurs un article : http://www.mathematicallycorrect.com/hirsch.htm.
(6) http://www.mathematicallycorrect.com
(7) http://www.wgquirk.com
(8) Trois remarques à ce sujet :
a) Daniel Boorstin, in Histoire des Américains , p 1104. Il note lui-même que ceci est le début de l'invention de l'adolescence, cet âge fabriqué de toutes pièces par la société qui, dans une première étape infantilise le jeune adulte pour le transformer ensuite en segment du marché particulièrement irresponsable et dépensier : " Cette " invention " de l'adolescence en ces débuts du XXème siècle était le fruit des circonstances. L'instruction publique obligatoire fut portée à seize ans pour de nombreuses raisons, y compris le fait que l'industrie ne trouvait plus son compte dans le travail des enfants ".
b) A partir de ce moment, ce qui est revendiqué par le mouvement ouvrier au nom de la liaison entre la théorie et la pratique n'est plus la participation à la grande production mais au mieux le " travail manuel " ou le simulacre de quelques activités de la petite production artisanale. On retrouvera cette critique dans une déclaration de Kroupskaïa, la compagne de Lénine, en 1931 ; elle montre bien à quoi se réduit, en URSS aussi, le projet d'une éducation polytechnique : " Un des camarades a dit : " Il faut rendre obligatoire le travail des enfants… " Il s'est avéré qu'il entendait par là : s'occuper des potagers, de la culture des concombres, etc. Le beau travail polytechnique ! " Et de préciser, quelques lignes plus loin, que Lénine " était pour le maintien des matières mais [il] voulait qu'elles forment un ensemble ", ceci pour éviter aux partisans de l'interdisciplinarité par dissolution des matières de pouvoir se réclamer d'un héritage qu'ils usurpent.
c) L'inversion complète est enfin atteinte par Meirieu qui interdit la liaison Ecole-Production (par exemple, page 77, dans L'école ou la Guerre civile ). Il peut ensuite se réclamer, dans ses articles récents, et à peu de frais, des pédagogues du mouvement ouvrier et prétendre qu'il a compris Vigotsky !
(9) http:// www.wgquirk.com\content.html
(10) Voir le Chapitre " Communautés Statistiques " in Boorstin , Histoire des Américains qui commence par deux superbes citations
" La science des statistiques est l'instrument capital par lequel les progrès de la Civilisation sont maintenant mesurés, et grâce auquel ses développements futurs seront en grande partie contrôlés. " S. N. D. North
" Je me sens, comme un fuyard, par rapport à la loi des moyennes " Willy in Up Front de Bill Maudin
Cette conception, liée à une vision " physicaliste " de l'accumulation des connaissances assimilées à des objets physiques dont la quantité ne doit pas dépasser un certain " volume " dans le crâne d'un individu, ne peut mener qu'à la notion d'allégement des programmes, ce qui devient catastrophique lorsque cet allégement atteint le domaine des savoir fondamentaux. Retour au texte
(11) Cette conception, liée à une vision " physicaliste " de l'accumulation des connaissances assimilées à des objets physiques dont la quantité ne doit pas dépasser un certain " volume " dans le crâne d'un individu, ne peut mener qu'à la notion d'allégement des programmes, ce qui devient catastrophique lorsque cet allégement atteint le domaine des savoir fondamentaux.
(12) 1918 est un tournant marqué par la publication des Cardinal Principles
of Secondary Education
(http://www.nd.edu/~rbarger/www7/cardprin.html ) : ceux-ci abandonnent comme
objectif principal de l'enseignement les contenus à un tel point que,
dans un premier jet, il y manquait la référence à la nécessaire
maîtrise des " 3 R ", " Reading, wRiting and aRithmetic " comme condition
d'entrée au lycée. Elle fut rajoutée dans la version finale
(E.D. Hirsch, p 48). Par contre, ils définissaient sept objectifs principaux
: " 1. Heatlth. 2. Command of fundamental processes. 3. Worthy home membership.
4 . Vocation. 5 . Citizenship. 6. Worthy use of leisure . 7 . Ethical character.
" ( E.D. Hirsch, Cultural Literacy, New-York, Vintage Books, 1988 &endash;
Rise of a fragmented curriculum , p.118 ) objectifs qui traduisent le tournant
du " subject matter " vers le " social adjustment ".
(13) Voir, en général, sur l'historique de la pédagogie
de projet : The Project Method : Its Vocational Education Origin and International
Development , Michael Knoll, University of Bayreuth in Journal of Industrial
Teacher Education , Spring Issue, 1997, Volume 34, Number 3.
http://scholar.lib.vt.edu/ejournals/JITE/v34n3/Knoll.html.
(14) Celle-ci apparaît comme la manière la plus simple de résoudre le problème de la croissance à la Dewey, c'est-à-dire affirmer que " le contenu de la connaissance change si vite qu'il n'est pas possible d'imposer de sujets spécifiques d'études dans un cursus " ( W.G. Quirk loc. cit.) : on voit donc que la critique de " l'empilement des savoirs " ne date pas d'hier. Retour au texte
(15) Il faudrait également mentionner le contexte économique , période de transition du " "frontier robber baron" capitalism " au " "scientifically" managed capitalism " qui influence considérablement la pédagogie américaine et en particulier les différentes conceptions de la pédagogie de projet. On trouve des éléments et une bonne bibliographie dans le texte de Mara Holt : Dewey and the "Cult of Efficiency": Competing Ideologies in Collaborative Pedagogies of the 1920s (http://www.cas.usf.edu/JAC/141/holt.html)
(16) C. Lasch, La culture du narcissisme, Montpellier, Climats, 2000, p. 166-199, traduction de Michel L. Landa.
(17) L'image qu'en donnent les Américains est le nom " La rue la plus large du Monde " donné à la rue qui sépare le Teacher's College du reste de la Columbia University . En 1929 déjà, Irving Babitt de Harvard notait que les professeurs de pédagogie " sont considérés avec une universelle suspicion dans les universités et qu'il n'est pas rare qu'ils soient considérés comme de véritables charlatans ", ce à quoi, Lawrence Lowell, président de Harvard ajoutait en 1933 que la Harvard School of Education devait être considérée comme " un chaton que l'on doit noyer ".
(18) Dédicace du livre de E.D. Hirsch : " Ce livre est dédié aux enseignants et aux principaux des Core Knowledge School et à la mémoire de deux prophètes, William C. Bagley et Antonio Gramsci qui expliquèrent dés les années trente en quoi les idées de la Nouvelle Education conduiraient à une plus grande injustice sociale " . Quant à Kilpatrick, il était si confiant &endash; et avec raisons &endash; de sa mission prophétique qu'il note dans son Journal en 1946, à la mort de Bagley : He has long been a hurtful reactionary, the most respectable [and] vocal of all…His goings marks the end of an era. No one who professes to know education will hence forth stand forth in opposition as he did (E.D. Hirsch pp. 122-123).
(19) E.D. Hirsch, op. cit., p. 6.
(20) E.D. Hirsch, op. cit., pp. 92-99, chapitre : " American Exceptionalism and Localism ".