Critique du syndicalisme tel que vu par Nicole Notat

Critique du syndicalisme tel qu'il est vu par Nicole Notat

Le texte ci-dessous a été adressé en novembre 1999 par Thierry Kakouridis, alors secrétaire général du SAGES, à Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT, sur le site notreetat.com (créé à la suite de la parution de l'ouvrage intitulé Notre Etat : Le livre vérité de la fonction publique (Robert Laffont), dirigé par Roger Fauroux et Bernard Spitz.


Je ne souhaite pas poser de question à Madame Notat, mais faire un bref commentaire sur sa manière très peu démocratique d'envisager le syndicalisme, c'est-à-dire, en clair, sur son aversion pour le pluralisme syndical. En effet, qu'apprend-t-on à la lecture des quelques pages qu'elle a produites pour Notre Etat ? Que la sous-syndicalisation des salariés français tient à la multiplicité des syndicats, à un " émiettement des forces ". Partant de ce prédicat douteux (mais bien compréhensible de la part de la CFDT), Mme Notat en conclut qu'il faut concentrer l'action syndicale, et ne donner la parole qu'aux seuls syndicats majoritaires.

Madame Notat a une manière plutôt totalitaire de considérer le syndicalisme et, au-delà, la démocratie. Car il est de très nombreux salariés dans ce pays, en fait la très grande majorité, qui ne se reconnaissent pas dans les revendications et les actions des grosses centrales syndicales. Ils aspirent donc à autre chose, que les mêmes centrales sont incapables de leur offrir. Et si d'aventure quelques hurluberlus ont la folle idée de créer un syndicat (en usant ainsi d'un droit démocratique censément inaliénable) qui peut enfin répondre à leurs attentes, et dire haut et fort ce qu'ils ont toujours pensé sans jamais oser l'exprimer, alors les syndicats " en place " (les seuls dont parlent les médias) tentent par diverses manoeuvres de mettre un frein sinon un terme définitif à leur bel enthousiasme.

Pour ce qui concerne la seule Education nationale, que propose la CFDT par le biais du SGEN ? Un seul corps d'enseignants de la maternelle à l'Université. Je schématise à peine.
Que proposent les autres ? Une vision presque aussi égalitariste et démagogique de l'enseignant et de sa fonction. La FSU, dont la presse dite sérieuse fait presque quotidiennement la publicité, a fait mine de se battre contre les réformes Allègre alors qu'elle soutient aujourd'hui son successeur, qui poursuit les mêmes réformes. Bel exemple de syndicalisme !

Je fais partie de ces hurluberlus qui, horrifiés et révoltés par la démagogie et la toute puissance des syndicats d'enseignants, co-gestionnaires d'un système dont ils n'entendent donc pas qu'il puisse être remis en cause, ont fondé avec quelques collègues, en janvier 1996, le SAGES, syndicat national et catégoriel, représentant et défendant les seuls professeurs agrégés.
Quelle abomination !
Tout le contraire de cette belle solidarité enseignante (entendez : cet effacement de toute forme d'élitisme républicain) dont justement les agrégés ont toujours fait les frais, alors qu'ils ont réussi un des concours les plus ardus de la Fonction publique, et qu'ils aspirent donc, en toute légitimité, à exercer leur profession à un niveau qui corresponde vraiment à leurs compétences.
Or, c'est à cause des syndicats multicatégoriels (Snes, Sgen, Snalc, etc.) et de leur doctrine égalitaire que ces professeurs sont aujourd'hui fondus dans la masse du " corps enseignant ", et qu'ils sont affectés ou mutés en dépit du bon sens (et au mépris de l'argent du contribuable), indifféremment de leurs collègues des autres corps, le seul critère étant celui de l'ancienneté  !

Voilà pourquoi, Madame Notat, il est indispensable, dans notre démocratie, que naissent et vivent des syndicats autres que les vôtres.

Thierry Kakouridis