Monsieur le Ministre,
De jeunes collègues stagiaires, de plus en plus nombreux, nous livrent presque chaque jour leurs critiques et leurs inquiétudes quant à la formation pratique qu'ils reçoivent en IUFM.
Ces stagiaires ne trouvent dans cette formation aucune promotion des compétences qu'ils ont acquises pendant leurs études, compétences attestées par leur réussite à un concours difficile.
Beaucoup d'entre eux se plaignent en outre de l'autoritarisme qu'ils subissent de la part de leurs formateurs : ces derniers, désireux de voir appliquer coûte que coûte certaines "recettes de pédagogie", parées pour l'occasion d'une phraséologie pompeuse, déploient le plus souvent leur enseignement dans un total irrespect de la liberté pédagogique dont tout enseignant est normalement censé se prévaloir.
Enfin, et fait encore plus grave, il s'avère que la " discipline ", au sein de nombreux IUFM, est obtenue par le biais du chantage à la titularisation : pressions et menaces constituent la "méthode" employée pour plier les stagiaires à l'idéologie des "sciences de l'éducation" et pour les contraindre à se soumettre aux consignes qui leur sont imposées, aussi bien lors de conférences de didactique que dans leur salle de classe.
Aucun doute n'est plus possible : les IUFM, censés assurer la formation pratique des professeurs stagiaires , sont devenus des " centres de dressage " aux "sciences de l'éducation".
A moins de pratiquer le déni de la réalité, vous ne pouvez , Monsieur le Ministre, ignorer les ravages de la" pédagolâtrie" dans l'école, alors que toute personne sensée a désormais compris que la finalité des "sciences de l'éducation" n'est pas la transmission des connaissances mais le gardiennage des "jeunes". Cautionner l'enseignement des dites "sciences" au sein des IUFM, serait donc, de votre part, incompatible avec l'idéal d'instruction de l'école républicaine à laquelle vous avez maintes fois déclaré être très attaché.
De plus, et quand bien même les "méthodes pédagogistes" seraient dédiées à l'instruction, vous n'ignorez pas que la seule qualité qui fonde véritablement l'autorité d'un professeur est la connaissance de sa discipline, et non sa capacité à appliquer servilement des "théories" élaborées "en chambre" par des demi-savants qui, pour la plupart, n'ont jamais enseigné devant une classe.
On n'a jamais rencontré de bon professeur ignorant dans sa discipline, fût-il champion en didactique - du vide -. Le mépris des compétences intellectuelles est donc proprement absurde, voire scandaleux, en des lieux où l'on assure la formation pratique des futurs professeurs de notre pays.
Vous savez également, Monsieur le Ministre, puisque vous avez vous-même enseigné, que la liberté pédagogique d'un professeur est la condition même de l'exercice éclairé de son magistère. Et nous n'oserions supposer, quant à nous, que votre projet est de remplacer peu à peu les professeurs de la République par des robots à "enseigner", sans âme, sans chaleur, sans passion.
C'est pourquoi nous vous demandons d'intervenir, sans plus tarder, et avec la fermeté qui s'impose, auprès des directeurs d'IUFM, auprès des inspecteurs de l'Education Nationale, auprès des formateurs, de sorte que la formation pratique des professeurs stagiaires cesse d'être un conditionnement à l'idéologie des "sciences de l'éducation", relevant de la disqualification des connaissances, du mépris de la liberté pédagogique et du chantage.
La vocation à enseigner fait aujourd'hui cruellement défaut, comme en témoigne la campagne publicitaire que vous êtes contraint de mettre en place pour tenter de pallier le trop faible nombre des candidats au professorat. Mais nulle publicité ne saurait permettre un recrutement de qualité, quand on ignore au même moment dans les IUFM que la vocation véritable, chez un professeur, réside dans l'amour de sa discipline et dans la passion de transmettre, et qu'elle ne peut s'épanouir hors du loisir de penser. Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos salutations dévouées.
Le SAGES