IUFM: réaction au projet Lang

IUFM: réaction au projet Lang

par Jean-Pierre Desmoulins, professeur agrégé de génie électrique

Je n'ai pas été à proprement parler choqué du discours du ministre sur la réforme des études en IUFM.
Qu'il faille revoir la formation des instits (pardon, des professeurs des écoles) et des profs était pour moi une évidence.

Mais ce qui me parait dangereux est le raisonnement qui est en filigrane derrière ce discours :

- L'école, le collège et le lycée ne fonctionnent plus comme une machine à égaliser les chances ni comme outil de base de structuration du corps social. Bien au contraire, elle met en évidence et renforce des mécanismes d'exclusion.
- Si l'on améliore la formation des enseignants, on viendra à bout de ce problème.

Pour faire simple, si l'école produit des exclus, la faute en revient aux enseignants qui ne sont pas formés en vue d'éviter cela !!!
Contre vérité fondamentale, erreur de logique, ou pire, volonté de mettre sur le dos des enseignants les conneries faites par les politiques et l'administration du M.E.N. depuis quarante ans...

Je vais me référer, à titre d'exemple, à deux constations objectives :
- Il m'arrive de jeter un oeil amusé sur des lettres écrites il y a bientôt un siècle, par des poilus dans les tranchées. Intéressant sur le plan historique évidemment, mais édifiant sur l'évolution de la pratique du français. Il s'agissait alors en majorité d'enfants d'agriculteurs, formés jusqu'au "certif" par l'école du village. Et lorsque je compare ces belles phrases, cette maîtrise de la grammaire et de l'orthographe, à ce qui produisent aujourd'hui la plupart de mes étudiants d'IUT...
- L'armée a malheureusement supprimé les tests des "trois jours". Le constat qui avait été fait peu avant leur suppression, en observant les résultats à ces tests sur la durée de leur application (une quarantaine d'années ?) était que si la moyenne était stable, l'écart type augmentait. Donc plus (+) de très bons résultats (les bons bacheliers) et plus (+) de très mauvais (les ratés de l'école primaire et du collège).

Les instits d'il y a un siècle (ceux des poilus) ou ceux d'il y a quarante ans (début des tests d'incorporation) étaient-ils mieux formés que les professeurs des écoles d'aujourd'hui ? Probablement différemment, certes, mais sans qu'on puisse incriminer le niveau des formations. Encore qu'on pourrait faire un rapprochement impertinent (ou pertinent, qui sait...) avec l'injection dans les IUFM d'idées et de méthodes issues de certains cénacles de chercheurs en pédagogie !

Le problème fondamental n'est probablement pas là.

A MON AVIS, IL FAUT PLUTOT INCRIMINER :

En conséquence de ce désastre, les familles qui ont compris les enjeux et savent que l'éducation de leurs enfants est de leur ressort autant que de celui de l'école, mettent la pression là où il le faut (devoirs, cahiers de vacances, leçons particulières, suppression de la télé, motivation à la lecture, récompenses et punitions, etc.).

On en est revenu au moyen âge, où seuls ceux qui étaient riches et/ou instruits pouvaient prétendre à voir leurs enfants devenir riches et/ou instruits. Jules Ferry doit s'en retourner dans sa tombe !

Merci à MM Langevin, Vallon, et tous leurs zélés successeurs, syndicats d'enseignants en tête ! Qui veut faire l'ange fait la bête, écrivait Pascal.

Jean-Pierre Desmoulins,
agrégé de génie électrique,
délégué SAGES pour l'académie de Grenoble.