Je suis agrégé stagiaire en Mathématiques au Lycée GE de X..., et je voudrais ici vous livrer quelques observations, en relation avec le texte que j'ai lu sur le lien "Spécial IUFM" du site du SAGES.
Je suis actuellement en renouvellement de stage pour les raisons suivantes
: lors de mon premier stage, j'étais affecté au Lycée de C : Monsieur A, IPR,
m'ayant inspecté le 2 avril 2001, a estimé que les élèves "n'avaient pas tiré
profit" de la "séquence", que j'avais été le seul "acteur", et a demandé une
seconde inspection.
Cette seconde inspection a été faite par Monsieur M, dans
des conditions surréalistes (le 31 mai 2001, sur un créneau hors de l'emploi
du temps habituel, deux jours après le conseil de classe du second trimestre).
Verdict : "Nous voilà revenus au bon vieux temps du cours magistral", comme
l'écrit sarcastiquement ce monsieur.
En gros, j'ai donc eu l'impression d'avoir été ajourné pour des raisons qui
n'avaient rien à voir avec le contenu de mon enseignement, [...]
Je voudrais maintenant en venir à certaines observations concernant ce début
de nouvelle année.
Lors de la première semaine, l'IUFM a planifié une rencontre
avec deux IPR de Mathématiques du Rectorat de X... : Monsieur J, et Monsieur
G, nouvellement arrivé.
Première observation : Monsieur G s'étonne que les agrégés ne fassent pas de mémoire à X...
Deuxième observation : après une séance de langue de bois des deux
inspecteurs, et sur invitation de ces derniers à poser des questions pour
participer au débat, devant le mutisme de la salle, je pose une question
intéressée : "cela fait vingt minutes que je vous écoute, et je me considère
en ce moment comme hautement actif. Pourriez-vous m'indiquer des critères
objectifs qui vous permettent de décider qu'un élève n'est pas en activité
?"
Je fais également remarquer les conditions surréalistes dans lesquelles
j'ai été ajourné.
Réponse de Monsieur J. : "l'inspecteur a l'expérience qui permet de faire la
différence entre ce qui relève d'une excitation ponctuelle des élèves,
et ce qui relève d'un dysfonctionnement du collègue".
Moralité : aucun crime de bureau ne peut être empêché.
Réponse de Monsieur G. : "Il ne faut pas confondre l'activité intellectuelle
avec l'activité physique".
Moralité : le cours (magistral) est interdit.
Troisième observation : vers la mi-septembre, les conseillers-tuteurs
sont réunis par l'IUFM avec les formateurs. L'un d'eux pose la question
: "Les agrégés doivent-ils faire un mémoire ?".
La réponse fut oui. Monsieur G aurait-il réussi à imposer sa vision des choses
? Nous verrons plus loin.
Quatrième observation : d'une part, en Mathématiques, le taux de
renouvellements de stage (sans distinction CAPES-Agreg) décidés en 2001
est très élevé.
D'autre part, s'il est de l'ordre de 10% parmi les capésiens, il est plutôt
de l'ordre de... 20% parmi les agrégés.
Il y a plus : parmi les agrégés ajournés, tous avaient un DEA. Coïncidence
? Il me semble plutôt que cela pose des questions sur la façon dont
les IPR et les IG prennent leurs décisions.
Cinquième observation : la coordonnatrice disciplinaire en Mathématiques
était l'année dernière Madame L.
On sentait bien dans sa façon de nous traiter,
qu'elle n'aimait pas trop les agrégés.
Toutefois, sur le terrain des Mathématiques, on ne pouvait pas lui reprocher
de ne pas avoir des conceptions nobles sur ce que devrait être l'enseignement
de Mathématiques.
Par exemple, elle déplorait qu'à propos de la proportionnalité au collège,
on continue à privilégier le technologique (les produits en croix) au profit
du conceptuel (les propriétés des opérations vis-à-vis de l'égalité). Elle
critiquait l'abandon des unités qui contribue à la perte du sens des calculs
(rejoignant en cela les idées de Michel Delord).
Autre exemple, elle produisait un discours critique sur les "activités" des
manuels.
De ce fait, on arrivait quand à même à se retrouver sur le fond.
Sixième observation : (en relation avec la première et la cinquième).
Avec Madame L qui abandonne son poste (ou est invitée à le faire sous la
pression des didacticiens de l'équipe de formateurs ?...) remplacée par
Monsieur P, un didacticien, et du comité de l'inspection, l'arrivée de Monsieur
G, remplaçant Mademoiselle E, partie à la retraite, qui ont apparemment
réussi à coordonner et à imposer leurs visions concernant les mémoires,
les choses prennent à Y... une tournure qui se met à ressembler à certaines
situations, décrites dans le bulletin "Spécial IUFM" du SAGES, qui existent
dans d'autres académies : la mainmise de la didactique didactisante, l'obligation
de faire un mémoire. Cela laisse deviner une volonté de soumettre l'académie
de X... au fonctionnement d'autres académies, dont elle était jusqu'à présent
relativement préservée.
Septième observation : Lors d'une journée de formation, Monsieur P regroupe les stagiaires en renouvellement de stage (sans distinction CAPES/Agreg), pour les inviter à ne pas assister à certaines séances. Geste positif. Mais le lendemain, la séance vise à nous "faire découvrir" ce qu'est une activité.
Le discours de Monsieur P pour justifier la formation est très habile ; il utilise notre attitude face au théorème de Pythagore : puisqu'en qualité de professeurs de Mathématiques, nous trouvons normal d'enseigner sa démonstration car elle a un caractère plus universel que les pratiques des maçons ou des menuisiers (qui ont un savoir traditionnel et informel de certains triplets pythagoriciens (3,4,5) ou (6,8,10)), il est normal qu'à nous qui avons un savoir traditionnel de ce que doit être l'enseignement (nous avons tous subi des cours et des exercices), on enseigne de l'histoire, de l'épistémologie et de la didactique des Mathématiques pour conceptualiser nos pratiques.
En fin de séance, j'explique à Monsieur P (pas de façon si brutale) que
je n'ai pas attendu d'être stagiaire pour m'intéresser à des questions "autour"
des mathématiques, que j'ai lu la Pulsation Mathématique de René Guitart
(un ouvrage qui se positionne résolument contre le caractère broussailleux
(1) de l'enseignement des Mathématiques).
Il m'explique alors que ce livre
est sujet à discussion, et m'en montre un autre qu'il vaut mieux lire en
priorité : il s'agit d'un livre en espagnol. Qui retrouve-on parmi les auteurs
? Chevallard !
Maintenant nous pouvons répondre à la question initiale : quand peut-on
dire objectivement que les élèves sont en activité ?
Réponse : lorsque le
professeur leur fait faire servilement des activités à la Brousseau-Chevallard
!
Huitième observation : les mémoires : la suite.
Lors de la première
séance consacrée au mémoire (avant les vacances de Toussaint), un groupe
d'agrégés (mais non pas tous les agrégés stagiaires en math) s'est désolidarisé
du reste des stagiaires. Nous nous sommes fait recevoir par Monsieur J,
Directeur adjoint de l'IUFM, qui :
après nous avoir accueilli dans son bureau avec une remarque dédaigneuse du type : "Vous êtes des matheux ? Ca se voit..." ;
après nous avoir rappelé (comme il se doit ?) qu'il ne nous considérait pas comme différents des autres sous prétexte que nous étions appelés à "faire moins d'heures et à gagner plus par la suite" ;
nous a expliqué la subtilité du discours à propos du mémoire : il a fait
dire aux formateurs "Il faut faire un mémoire" de façon impersonnelle, mais
en privé il a concédé qu'il était tout de même au courant de la législation
concernant le fait que, pour les agrégés, "la rédaction et la soutenance
d'un mémoire professionnel [ne sont pas des éléments règlementaires] pour
la titularisation".
En gros, il souhaite que nous en fassions un, mais il
(sait qu'il) ne peut pas s'opposer à ce que nous refusions de le faire.
De fait, nous sommes, aux dernières nouvelles, environ 50% des agrégés de mathématiques à boycotter le mémoire, les autres étant un peu timides, ou ne disposant pas des réflexions critiques (de Michel Delord, de Rudolf Bkouche, ...) qui permettent de comprendre que, de même que "dans la science, il y a les problèmes qui se posent et les problèmes qu'on se pose" (2), de même dans l'enseignement des mathématiques il y a les problèmes qui se posent, et les problèmes que les didacticiens nous posent, et que les seconds ne peuvent aider à résoudre les premiers : la lecture de manuels antérieurs aux mathématiques modernes (quand ça fonctionnait) étant beaucoup plus profitable pour "donner du sens" (lorsqu'il était là, sans qu'on ait besoin de l'y mettre de force), que la lecture de certains articles de certaines revues fétiches des formateurs, qui globalement ne sont connues que de ceux qui y écrivent...
Notes :
(1) Broussailleux : relatif à Brousseau et à ses conceptions réductrices relativement
à l'acte mathématique.
(2) L'auteur est H. Poincaré (je crois).