Alors que le nombre de postes augmente pour compenser, en collège et lycée, les nombreux départs en retraite des années à venir, le nombre de candidats à ces concours est en baisse très sensible, au point que la qualité minimale des lauréats des concours les moins attractifs (à commencer par les lycées professionnels) n'est déjà plus garantie dans toutes les disciplines.
Cette situation alarmante ne résulte pas, il s'en faut de beaucoup, de la seule dégradation des conditions d'enseignement dans les zones difficiles, qui ferait hésiter les candidats. Les différents ministères ont, depuis des années, commis des erreurs dont nous commençons à payer les lourdes conséquences.
La plus ahurissante d'entre elles concerne la coûteuse modification du statut des enseignants du primaire (instituteurs devenus professeurs des écoles, concours à bac+3), certes satisfaisante pour les promus comme pour les nouveaux collègues, mais conduite à l'indirect détriment des professeurs du second degré (certifiés), comme à celui de l'enseignement secondaire. Il n'en résulte en effet à ce jour aucun avantage perceptible en termes d'efficacité de l'enseignement primaire, tandis que les effets pervers de cette promotion oublieuse des autres corps se font déjà sentir. Ainsi, les étudiants les plus brillants commencent à déserter les concours de recrutement du second degré, voire ceux qui ouvrent sur le supérieur (agrégation), pour se diriger vers ceux de l'enseignement primaire, situation à l'évidence paradoxale et extrêmement préoccupante.
On peut certes comprendre ces candidats brillants : en raison de l'âge de leurs élèves, ils éviteront certaines difficultés des collèges et lycées. Du fait du recrutement académique dans le primaire, ils pourront, contrairement à leurs collègues du second degré, choisir leur lieu d'exercice initial et éviter ainsi l'exil dans de lointaines ou peu attractives académies. Ils percevront le même traitement que les certifiés et, avantage supplémentaire dont les plus ambitieux ont une conscience aiguë, ils ne relèveront plus du mouvement national lorsqu'ils se présenteront bientôt aux concours internes du second degré. Ajoutons que selon les dispositions actuelles, ils bénéficieront en outre d'une bonification considérable pour obtenir un des postes les plus proches de leur ancienne affectation. Ainsi verra-t-on de jeunes certifiés internes obtenir en quelques années des postes de collèges ou de lycée hors d'atteinte de leurs collègues certifiés externes et, de manière absolument inadmissible concernant les lycées, de leurs collègues agrégés.
Le SAGES ne peut que dénoncer avec force les résultats prévisibles d'une telle impéritie ministérielle, qui pourrait à elle seule conduire l'enseignement secondaire à la catastrophe. Si c'est cela que l'on souhaite et que l'on a programmé, c'est une atteinte à l'esprit même de nos institutions comme aux exigences de la République. Si c'est une conséquence non voulue de ces revalorisations sectorielles, visiblement clientélistes ou démagogiques, l'incompétence et l'aveuglement de ceux qui en sont la cause doivent être dénoncés et sanctionnés.
Le SAGES rappelle surtout que les professeurs agrégés, dont le haut niveau est indispensable à un enseignement performant et de qualité, mais dont la situation est traitée avec la plus extrême désinvolture depuis des années, doivent impérativement être protégés de ces errements idéologiques ou gestionnaires : l'amélioration de leurs conditions d'exercice, le rétablissement de leur niveau de rémunération et la consolidation de leur statut, évidentes nécessités toujours différées, s'imposent aujourd'hui dans l'urgence.
Le SAGES demande donc que des mesures de ce type soient prises pour éviter le désastre annoncé, et souhaite en outre que l'on épargne aux éventuels candidats comme aux professeurs la diffusion, pour tout potage correctif, de quelques publicités télévisées d'un jeunisme affligeant, humiliant autant que ridicule.