Le projet de loi sur la décentralisation

Le projet de loi sur la décentralisation

Le projet de loi sur la décentralisation, tel qu’il nous est proposé aujourd’hui, me paraît dangereux pour la Nation et pour la République.

La modification des principes constitutionnels qui nous est proposée vise à prendre la Nation en sandwich, entre une structure supra nationale européenne et des « mini-structures » régionales. La subsidiarité en effet vise à terme, qu’à dépouiller l’Etat de ses compétences.

De ce point de vue, je pense que les objectifs recherchés réellement par cette loi ne sont pas explicitées. Car de quoi s’agit-il sur le fond ? Et bien, de l’extinction de l’Etat. N’est-elle pas inscrite dans la pensée économique libérale de Friedrich Hayek à Milton Friedman ? Libérer les entreprises de toutes contraintes étatiques a toujours été l’obsession des libéraux et en tout cas une constante dans leur imaginaire.

Dans le contexte économique mondial, les Etats sont considérés comme des obstacles aux stratégies des firmes multinationales. Celles-ci, aujourd’hui, jouent un rôle déterminant dans la structuration des territoires. Libérés des contraintes étatiques, les grands mouvements des capitaux (j’entends par là notamment les délocalisations obéissant aux avantages comparatifs au sens de l’économiste Ricardo) pourront s’amplifier. Où est l’intérêt du peuple français dans cette affaire. Trop d’exemples, en Lorraine, montrent qu’elles se font très souvent au détriment des salariés.

Cet objectif n’est pas, bien sûr, avouable. Alors on avance le visage masqué en prétendant expérimenter.


Le Conseil d’Etat l’a rappelé, la décentralisation n’est pas une valeur normative de la République française, mais relève de l’organisation administrative de l’Etat. Raffarin a décidé de s’asseoir sur cet avis. Ce n’est pas rien ! A l’examen, il s’agit bien d’une remise en cause des principes fondateurs de la République française et de la Nation. Messieurs, ayez donc le courage de le dire !

Il s’agit de consulter par recours à des référendums locaux décisionnels. C’est une rupture avec le principe républicain de la démocratie représentative dit le Conseil d’Etat. Vous ne pouvez pas ne pas en tenir compte.

Si la décentralisation de certaines décisions doit se faire, qu’elle se fasse dans le cadre d’une loi qui en prévoit les contenus. Ceci étant je ne suis pas certain qu’elle soit toujours souhaitable, notamment et par exemple pour les Universités. A quoi va-t-on aboutir ?

Déjà en concurrence avec les Universités européennes, les Universités françaises se retrouveront en concurrence entre elles. En dehors des gaspillages auxquels cela mènera, il est fort probable qu’à terme, certaines disparaîtront. Non pas physiquement bien sûr (encore que), mais au travers d’une hiérarchisation dangereuse des établissements. Je pense que cela n’est pas souhaitable au regard du principe d’égalité des chances pour les jeunes étudiants.


A l’adresse des élus de la majorité régionale, qui soutiennent ce projet et aux parlementaires qui sont parmi nous et qui l’approuveront, je voudrais dire :

Pierre Bardelli, Conseiller régional de Lorraine,
ancien Président de l'Université de Nancy II.
(intervention du 24 octobre au conseil régional)